Permettez-moi de recopier la critique ci-dessous:
Quand il découvrit les bandes du Shea Stadium dans le coffre où elles croupissaient depuis dix-sept ans, Joe Strummer éprouva une sensation des plus étrange : celle d’être en présence de “rebelles professionnels”. Les fers de lance du mouvement punk londonien se produisaient deux soirs de suite (les 12 et 13 octobre 1982) dans ce stade de base-ball du Queens où les Beatles avaient fait leurs adieux à la scène devant 60 000 personnes en 1966.
Ce 13 octobre, ils étaient 70000 à attendre les Who, dont c’étaient aussi les adieux publics. En première partie, le Clash se produisait, avec l’album Combat Rock et deux singles en full metal jacket (Rock the Casbah et Should I Stay or Should I Go) dans la cartouchière. A ce moment-là de leur carrière, personne ne songerait sérieusement qu’il pourrait s’agir d’un crépuscule.
L’espérance de vie d’un groupe punk approchant celle d’une libellule, The Clash étaient même considérés comme vétérans à l’époque. Ils avaient perdu au feu le batteur Topper Headon, victime de la seringue, remplacé ici par Terry Chimes (le batteur d’origine), et ne se produisaient plus qu’en vareuses, treillis, uniformes de paras et chaussures cloutées, laissant comprendre dans “rebelle professionnel” une condition approchant celle du “mercenaire”.
La remarque de Strummer pointe d’ailleurs la faille qui allait précipiter leur effondrement neuf mois après ce Shea Stadium décidément fatal aux Anglais. Le gigantisme, le succès, la dévitalisante routine du rock’n’roll circus : tout cela seyait mal au dernier brandon d’idéalisme à se consumer dans la plaine grise de cendres des stratégies de marketing et de l’intérêt commercial.
Si ce live n’est certainement pas le concert de The Clash, il nous en présente une version musicienne, le contexte obligeant à jouer juste, fort et bien. Professionnels. Pour le grand frisson, le patchwork From Here to Eternity (compilation de titres live enregistrés entre 1978 et 1982 sortie en 1999) est mieux indiqué.
On réalise soudain combien Paul Simonon est un foutu bon bassiste sur Police on My Back. La dub guitar de Mick Jones est parfaite dans Guns of Brixton. Et tout à l’avenant. On en est là au Shea Stadium : les guitares, les voix, la batterie, la basse sonnent vraiment et Rock the Casbah et Should I Stay… sont de vrais classiques. Alors qu’avant, tout agonisait, fonçait dans le tas sirènes hurlantes comme une ambulance en plein Armaggedon. Les morceaux ne parlent que de ça : de terrorisme (Spanish Bombs), de flicage (Police on My Back), de guerre civile (English Civil War), d’état d’urgence (London Calling). The Clash, qui s’extirpaient du mouvement no future, peignent à grosses blessures le détail de notre présent pourri et ce best of live anticipe pour le coup le worst of de nos temps ravagés.
Francis Dordor
14 octobre 2008
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